IVG : « La Belgique doit montrer la voie »

Avec l’avènement de la coalition Vivaldi au fédéral, la sortie de l’interruption volontaire de grossesse du Code pénal a encore une fois été reportée. Si l’accès à l’IVG est un droit, on aurait tort de le croire totalement acquis…

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Photo : Emma Grégoire (CC BY NC ND)

Photo : Emma Grégoire (CC BY NC ND)

Avec l’avènement de la coalition Vivaldi au fédéral, la sortie de l’interruption volontaire de grossesse du Code pénal a encore une fois été reportée. Si l’accès à l’IVG est un droit, on aurait tort de le croire totalement acquis…

Sylvie Lausberg, Présidente du Conseil des Femmes Francophones de Belgique (CFFB), nous alerte quant à l’importance de faire passer cette loi dépénalisant totalement l’avortement.

Pourquoi est-il nécessaire aujourd’hui, en Belgique, d’allonger le délai d’interruption de grossesse de 12 à 18 semaines ?

Le cadre légal actuel organise une course contre la montre pour les filles qui découvrent une grossesse. Or, il faut le temps de se rendre compte de ce qui arrive et de prendre la décision. Quand on met les femmes sous pression avec cette épée de Damoclès des 12 semaines, on engage toute leur vie. Et ça, c’est une violence à l’égard des femmes. Au-delà de ce délai, la Belgique a toujours été très en retard sur le droit à l’IVG, elle doit maintenant montrer la voie. Nous sommes au cœur de l’Europe. Nous abritons les institutions européennes. Et nous savons qu’en Europe, beaucoup de pays reculent sur les droits des femmes, et pas seulement sur le droit à l’IVG. C’est d’abord sur le plan de la démocratie en Europe qu’il est essentiel d’envisager cette question. 

Les détracteurs de cette modification de la loi soulignent le fait que cet allongement du délai pour avorter ne concernerait « que » 500 femmes en Belgique, soit 3% des avortements.

Sur la question du nombre, il y a deux éléments. Le premier, c’est que les femmes qui sont hors délai démontrent que la législation n’est pas optimale, parce que la majorité d’entre elles sont à 13 semaines ou à 14 semaines.  Or, normalement, on doit pouvoir offrir des soins de santé de manière optimale à la population. C’est clairement un des effets de cette « course contre la montre » avec pour conséquence, des femmes qui doivent aller à l’étranger. Le second élément, c’est le profil de ces femmes. La plupart présente un degré de vulnérabilité important : isolement social, problèmes financiers, violences conjugales, un accès moindre à l’information sur la contraception… D’ailleurs, jusqu’en 2018, l’article 383 du Code pénal interdisait toute information et publicité sur l’avortement en Belgique. Jusque-là, il n’y avait pas de campagnes pour dire où avorter en Belgique et jusqu’à quand, même si cela existe sur Internet à travers des sites faits par les associations et, surtout, les fédérations de centres de planning évidemment.

La nouvelle proposition de loi souhaite également réduire le temps de réflexion à 2 jours (au lieu de 6 actuellement) entre le premier rendez-vous médical et l’IVG. Pourquoi est-il essentiel, pour le CFFB, de réduire ce délai de réflexion ? Pensez-vous que l’on peut « décider » de recourir à l’avortement en 48 heures ? 

La majorité des filles, en arrivant au planning, ont déjà beaucoup réfléchi. C’est particulièrement intrusif et violent de dire à une fille qu’elle ne peut pas avorter tout de suite car elle doit « bien réfléchir ». Tout ce qui était très culpabilisant dans la loi de 90, et qui est encore présent à certains endroits dans la loi de 2018, participe à la culpabilisation des filles et des femmes. On l’a vu notamment dans des études faites sur les traumatismes post-IVG. Il y a un vrai travail à faire dans notre société en Belgique. La loi doit donc diminuer ce délai, parce que c’est une violence envers les femmes. Et puis, il faut quand même le dire, c’est une loi qui est unique en son genre. Il n’y a aucune autre loi qui dit aux gens « pour vous faire opérer, vous devez réfléchir autant de jours ».

Au final, c’est infantilisant ?

Absolument. Au fond, il s’agit de cette domination de la société sur les femmes qui étaient considérées comme des idiotes et pour qui il fallait penser. C’est toujours de ça qu’il s’agit.

Cette nouvelle loi IVG vise également à dépénaliser totalement l’avortement. Pourquoi est-il nécessaire aujourd’hui de sortir totalement l’IVG du Code pénal ?

L’IVG est un acte médical. Il n’y a donc aucune raison d’inscrire dans la loi des peines spécifiques de prison. Si un médecin ne respecte pas la loi, et pas seulement concernant l’IVG, il peut toujours être poursuivi parce qu’il existe toute une série de législations qui le permettent déjà aujourd’hui. Mais menacer un médecin de prison parce qu’il aurait pratiqué un avortement à douze semaines et un jour, c’est encore une manière de faire pression.

Enfin, cela fait quelques années que ce projet de loi fait débat. Il devait être voté, mais il a finalement été renvoyé en commission de la Justice de la Chambre… Pensez-vous qu’un jour cette loi sera finalement adoptée ?

Je crois que la loi fait aussi son œuvre de pédagogie et que, dans 2 ou 3 ans, ces modifications seront acceptées. Peut-être pas toutes. Ce ne sera peut-être pas 18 semaines, mais 15 ou 14… Je crois qu’aujourd’hui, après #MeToo, on a ouvert les yeux sur les violences faites aux femmes. En Belgique, il n’y a pas de conditions spécifiques pour les femmes qui ont été violées. Tu es enceinte suite à un viol ? Tant pis pour toi, c’est la même chose que pour les autres. On voit bien que ça ne peut plus marcher maintenant.

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