Ensemble pour la Liberté : Diaspora et ONG, solidaires envers les Iraniennes et les Européen·nes en détention arbitraire.

Les femmes sont les premières victimes de la répression violente organisée par le régime iranien.

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Les femmes sont les premières victimes de la répression violente organisée par le régime iranien.

Honneur aux femmes iraniennes : Reconnaissance internationale au Parlement européen pour le Prix Sakharov 

Des dizaines de milliers d’arrestations, des milliers de blessé·s et au moins 500 iranien·nes tué·es lors des manifestations en Iran qui ont eu lieu suite à la mort de Mahsa Amini, Kurde Iranienne morte en détention le 16 septembre 2022. Ces chiffres rapportés par Amnesty International montrent l’ampleur du phénomène. C’est pour cela que, cette année, le Parlement européen a décidé de mettre les Iraniennes à l’honneur en remettant le Prix Sakharov à Mahsa Amini, ainsi qu’au mouvement iranien de protestation Femme, Vie, Liberté. Ce prix permet d’honorer les individus et les organisations qui défendent les droits humains et les libertés fondamentales. Ce n’est d’ailleurs pas la seule remise de prix importante qui met en avant une Iranienne, puisque le prix Nobel de la paix a été décerné le 6 octobre dernier à Narges Mohammadi, une militante et journaliste iranienne emprisonnée pour s’être battue pour le droit des femmes. 

« Aujourd’hui, pourtant, les femmes osent sortir sans voile. Elles ne flanchent pas. Elles submergent la police des mœurs par leur détermination et par leur nombre. Et l’Europe doit dire qu’elle est à leurs côtés.»

Emmanuel Maurel, président de la Gauche Républicaine et Socialiste en France, au nom du groupe de la gauche au Parlement européen. 

Dans une résolution adoptée le 23 novembre par 516 eurodéputées, le Parlement européen condamne fermement la détérioration continue de la situation des droits de l’homme en Iran ainsi que les assassinats brutaux de femmes par les autorités iraniennes. L’assemblée condamne également le harcèlement judiciaire subi par Nasrin Sotoudeh, avocate et défenseuse des droits humains. De plus, les eurodéputé·es prient les autorités iraniennes de mettre immédiatement fin à toute discrimination à l’égard des femmes et des filles, y compris aux lois imposant le port du voile. Enfin, c’est un appel à la « libération immédiate de toutes les victimes de détention arbitraire et des défenseurs des droits humains », notamment de Narges Mohammadi ou encore de Nasrin Javadi, qui est lancé. 

Un cri de colère contre l’oppression en Iran

Le 13 octobre 2022, Mahsa Amini, une étudiante kurde de 22 ans, marche dans les rues de Téhéran quand elle est arrêtée pour « port de voile inapproprié » par la police des mœurs iranienne. Trois jours plus tard, elle décède à l’hôpital après être tombée dans le coma pendant sa garde à vue. Alors que le gouvernement iranien nie toujours son implication dans son décès, des témoins attestent de la violence de sa détention et assurent qu’elle est décédée d’une blessure à la tête. L’événement émeut la communauté internationale et provoque de nombreuses manifestations contre la politique iranienne.

Dans les mois qui suivent, en Iran, des vidéos de femmes se coupant les cheveux et brûlant leur Hidjab font surface sur les réseaux sociaux. Beaucoup d’entre elles sortent dans la rue, sans voile, pour montrer leur colère vis-à-vis de la politique iranienne. Le monde est émerveillé par le courage de ces femmes qui risquent leurs vies. Leurs revendications sont claires : les manifestant·es demandent l’abolition de l’obligation du port du voile, mais dénoncent surtout une politique qui donne l’essentiel du pouvoir à la religion. Les chiffres sont effrayants : au moins 500 manifestant·es sont décédé·es en Iran durant les révoltes iraniennes depuis septembre 2023.

Alors de Téhéran à Bruxelles, la population se soulève avec un slogan : Femme, Vie, Liberté.

Soutien depuis Bruxelles : la diaspora belge se mobilise pour la liberté des femmes en Iran

Depuis les rues de Bruxelles, la diaspora se mobilise pour montrer sa solidarité. Si les Iraniennes ne peuvent pas s’exprimer librement sur ce qu’il se passe en Iran, ce sera à la diaspora de prendre le relai, ici, en Belgique, grâce aux associations, aux manifestations, aux conférences et à toutes les prises de parole publique. Si les collectifs portent ce combat, c’est notamment grâce à cette femme, Ava Basiri, jeune militante belgo-iranienne. C’est au sein de son collectif Yallah Laïcité, que nous l’avons rencontré. 

Ava Basiri, militante belgo-iranienne devant le portrait de Mahsa Amini.

En Belgique, les soutiens ont commencé doucement, avec une vingtaine de personnes se rassemblant devant l’ambassade de l’Iran le 24 septembre 2022, à l’initiative du Collectif Laicité Yallah. 10 jours plus tard, 2000 personnes ont défilé dans les rues de Bruxelles pour protester contre le régime iranien. 

À l’initiative de plusieurs représentants politiques, des rues et des places sont renommées pour mettre en avant Mahsa Amini. Maryam Matin Far (MR), 6e échevine d’Etterbeek, elle-même iranienne, renomme en effet l’esplanade devant la Maison communale d’Etterbeek au nom de la jeune femme. Le 15 septembre 2023, un autre hommage lui est rendu avec l’inauguration d’une statue à son effigie par le Collectif Laïcité Yallah, en face de l’administration communale de Woluwe-Saint-Pierre.

Statue de Mahsa Amini devant la maison communale de Woluwe-Saint-Pierre.

Défiance des lois, remise en question du patriarcat

Tous les jours, les activistes continuent à se révolter pour toutes ces femmes en Iran, assassinées ou emprisonnées. Les actions de soutien ne s’arrêtent pas.

Les Iraniennes, elles aussi, continuent à se battre au quotidien contre toutes les formes d’oppression dont elles sont victimes depuis trop longtemps. Désormais, les choses sont tout de même différentes. D’après Ava Basiri, à l’ère des réseaux sociaux, les jeunes iraniennes se rendent d’autant plus compte des inégalités : « Elles ne sont pas d’accord car elles ont Tik Tok, elles ont Instagram, elles voient les vies que les jeunes peuvent mener ici et elles n’ont pas droit à tout ça« . Elles prennent alors des décisions à contre-courant. Selon un diplomate occidental en poste à Téhéran, dans l’ensemble du pays, environ 20% des femmes en moyenne enfreignent désormais les lois de la République islamique en sortant dans la rue sans porter le voile. C’est l’ensemble du système qui est remis en question : sa politique, son économie, ainsi que sa structure patriarcale.

Détention arbitraire des citoyen·nes européen·nes en Iran et les dessous d’une tension diplomatique

Par ailleurs, au cours de ces débats parlementaires, une autre problématique a été soulevée : la détention arbitraire de citoyen·nes européen·es.  En effet, lors des manifestations en Iran, plusieurs milliers de personnes se sont faites arrêtées pour être ensuite détenues arbitrairement par le régime dans des conditions inhumaines. Certain·es de ces citoyen·nes sont enfermé·es depuis plusieurs années, comme ça a été le cas pour Olivier Vandecasteele. Le travailleur humanitaire a passé 455 jours enfermé en Iran, il explique qu’il a été torturé à plusieurs reprises et qu’il a été placé en cellule d’isolement pendant de longues périodes.

Nous avons contacté l’ancien directeur d’Amnesty International Belgique, Philippe Hensmans, pour nous éclairer. C’est dans un café de Louvain-La-Neuve que nous avons rencontré le jeune retraité.

Philippe Hensmans, ancien directeur d’Amnesty francophone.

D’après lui, l’Iran utilise la détention de citoyen·nes étranger·es comme moyen de pression sur leur pays d’origine. En effet, l’Iran fait face à énormément de sanctions de la part de la communauté internationale. Des sanctions, entre autres, dues aux violations des droits humains.Sans réel moyen de pression « direct » sur l’Europe, l’Iran utilise la détention de ses citoyen·nes pour essayer d’obtenir des changements ou des allègements des pressions qu’elle subit. 

L’enquête des Nations Unies demandée par le Parlement européen implique une collaboration 100% transparente de la part des autorités iraniennes. Ceci implique que l’Iran accepte que des enquêtes soient réalisées sur son territoire, ce qui est compliqué vu le fonctionnement de la politique iranienne. 

Les Gardiens de la Révolution : Entre qualification terroriste et complexités juridiques en Europe

En Iran, les Gardiens de la Révolution, aussi appelés Pasdaran, sont une force paramilitaire qui vise à maintenir le régime islamique et à exercer une influence étendue sur le pays, aux plans politique, économique et militaire. Dans la résolution du Parlement européen, on retrouve la proposition de catégoriser le Corps des Gardiens de la Révolution comme une organisation terroriste. Mais concrètement, qualifier cette organisation de terroriste ne garantit pas l’arrestation de ses membres s’ils parviennent à se rendre sur le sol européen. Les ONG qui défendent les droits humains s’accordent en effet pour dire que le terme “terrorisme” ne signifie rien. En Belgique, le terrorisme est interdit, mais pourtant, il n’est pas clairement défini. L’intérêt de désigner les Gardiens de la Révolution de terroristes est dans ce cas-ci, à condition qu’ils soient identifiés, d’empêcher ces groupes de voyager ou de se procurer un visa. 

Mais au final, d’après Philippe Hensmans, la communauté internationale ne peut pas vraiment aller plus loin dans ses sanctions. Tous les moyens à notre disposition pour faire pression sur les autorités iraniennes sont déjà utilisés, et ce, depuis plusieurs années. L’Iran s’est quasiment “habitué” à vivre comme cela. Aujourd’hui, l’Union européenne et les autres pays du monde se trouvent dans une impasse, une intervention militaire aurait des répercussions désastreuses sur la diplomatie mondiale. Dès lors, l’hypothèse n’est même pas envisageable. 

Au même moment, sur place, des femmes et des hommes continuent de se battre courageusement pour leurs droits fondamentaux et malgré le manque de ressources de la communauté internationale pour sanctionner l’Iran dans ses actions brutales, ces citoyen·nes espèrent obtenir le soutien de l’Europe dans leur lutte pour un avenir meilleur.

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