Le collectif Rendre Visible l’Invisible a organisé une mobilisation contre la pauvreté à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre la Misère. Débats, concerts, discussions et marche aux lanternes étaient au programme.
Manon De Greef
Il est 13h, dimanche 17 octobre, sur la place du Marché aux Poissons à Bruxelles. C’est la Journée mondiale de lutte contre la Misère. À l’occasion, le front Rendre Visible l’Invisible qui est composé de différentes associations bruxelloises a organisé une mobilisation contre la pauvreté. In fine, ils demandent « qu’un socle de droits et des moyens soit établi pour permettre aux personnes prisonnières de la pauvreté et de l’exclusion sociale d’en sortir ». La fracture numérique, l’alimentation et le logement construisent selon eux ce socle.
Lancer le débat pour avancer
L’atmosphère est plutôt légère au début des activités, mais la tension s’accroit un petit peu lorsque qu’un groupe de septs personnes monte sur scène. Ils tiennent à bras le corps une porte fermée. « Elle représente l’inaccessibilité aux services publics et aux logements dignes et abordables », explique l’une d’entre eux. Ils passent tous derrière le micro pour pousser leurs cris de témoignages et de revendications. « On veut du logement ! On veut du logement ! » scande l’un d’entre eux, suivi par le public. Cela résonne comme un cri de désespoir.
Et c’est le cas. Selon le Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale, la Région Bruxelloise comptait 36 117 logements sociaux en 2016 et le nombre de ménages sur la liste d’attente était de 39 153. Un homme s’avance sur la scène : « 15 ans pour avoir un logement social. 15 ans ! J’en ai marre ! ». Le public applaudit.
Un peu plus loin sur la place est organisé un débat sur la sécurité sociale de l’alimentation avec François-Xavier Lievens (Chercheur à l’UCLouvain), une paysanne bruxelloise, Dominique Paturel (Chercheuse française à l’INRAE) et Hector Guichart (militant Quart Monde).
Les chaises se remplissent assez vite. Chacun (ou presque) reçoit une pancarte à lever pour réagir à l’un des propos des invités au débat. « Stop ! » « Je ne comprends pas. » « En d’autres mots ? » sont écrits dessus. Le débat commence par un long (mais utile) discours du militant de l’association Quart Monde : « Nous ne voulons pas d’une nourriture pour les riches, et d’une autre pour les pauvres. Ce que nous voulons, c’est que les familles pauvres puissent avoir une nourriture décente et ne pas avoir l’impression d’être la poubelle des riches ».
Le débat continue. François-Xavier Lievens commence à parler de la sécurité sociale de l’alimentation. Une pancarte se lève, l’homme demande plus d’informations. Ouf. Tout le monde est soulagé. Il explique alors le concept sur un tableau. La sécurité sociale alimentaire fonctionnerait de la même manière que notre sécurité sociale des soins de santé. Par le biais d’une hausse des cotisations sociales, elle permettrait à toutes et à tous d’avoir accès financièrement à une alimentation de qualité.
Régler le social avec le climat
À ce stade de la journée, un peu plus de personnes arrivent, mais Laurent Toussaint, membre de l’association Articule qui fait partie du collectif Rendre Visible l’Invisible, fait remarquer que nous sommes loin du monde qu’il y avait dans les rues le dimanche 10 octobre passé. « Je pense que la question de la pauvreté n’est pas très mobilisatrice, je ne dis pas que c’est plus important ou moins important que la question environnementale mais on aura difficilement 50 000 personnes à une manifestation contre la pauvreté. Ça m’attriste un peu » nous dit-il.
Pourtant, selon lui, les raisons structurelles de la pauvreté sont les mêmes que celles qui détruisent l’environnement. D’ailleurs, il faudrait selon eux lier « les combats pour la justice climatique et ceux pour la justice sociale et l’éradication de la pauvreté ».
Bruxelles, ma pas très belle
La chorale Choux de Bruxelles vient occuper la scène vers 15h30 et commence à chanter sur une mélodie enfantine des paroles particulièrement percutantes : « L’abandon est là, et l’hiver il vient
Comme les promesses des politiciens ».
Une chanson qui résonne avec ce que nous dit Laurent Toussaint : « Les autorités préfèrent mettre en avant le côté clinquant de la ville, qui a envie de se montrer belle et attirante pour les investisseurs et les touristes. L’idée ici c’est de rendre visibles d’autres réalités et de dire que ces réalités-là sont inacceptables. »
C’est exactement pour cela que la journée de démonstration, comme les années précédentes, se clôt par une marche aux lanternes. À 19h, tout le monde se dirige vers le Grand Hospice pour le départ. La nuit se refroidit mais l’ambiance, elle, se réchauffe. Chacun se muni d’une lanterne aux formes variables : bateau, lune, feuille, poisson,…
Le ciel s’illumine et la parade commence. Habituellement dans l’ombre, la pauvreté est rendue visible en plein cœur de la capitale par ces lumières qui avancent au rythme de la fanfare postée au-devant du cortège. Pas de cri, pas de chant, simplement des conversations et des regards. Au bruit des tambours, les passants s’arrêtent et les habitants sortent la tête de leur fenêtre pour regarder en bas. Tous ensemble, illuminés, ils marchent pour qu’on les remarque, enfin.