Le Parlement de la Région Bruxelles-Capitale désire réformer l’organisation des cultes. Ce projet d’ordonnance prévoit notamment d’imposer un tiers de femmes dans les conseils d’administration de ces cultes. Bruxelles entend dépoussiérer les traités de Napoléon encore en vigueur.
Photo: Melvin Kalamba (CC BY NC ND)
Le mardi 12 octobre, le Parlement de la Région Bruxelles-Capitale a débuté son travail sur un projet d’ordonnance. Il s’agit de changer l’organisation, la gestion, mais aussi le financement des cultes. Rudi Vervoort, ministre-président bruxellois, met ce projet sur la table bien plus tard que la Wallonie et la Flandre, qui ont déjà réformé la gestion de leurs cultes dans le début des années 2000. Mais Bruxelles va plus loin.
Un aspect qui rend ce projet d’ordonnance bruxelloise tout à fait inédit, c’est la féminisation des conseils d’administration (CA) des cultes. En effet, l’ordonnance prévoit d’imposer au moins un tiers de femmes dans ces CA. Une obligation que devront respecter tous les cultes, y compris ceux qui ont un taux majoritaire d’hommes dans leur processus de décision.
Selon Caroline Sägesser, chercheuse au CRISP spécialiste de la politique des cultes, “c’est une petite révolution puisque Bruxelles-Capitale est la première région à imaginer ce dispositif”. Pour ce faire, la Région a décidé d’investir sa compétence en matière de cultes et d’imposer des femmes au sein de l’administration et non au niveau du religieux.
Comme l’explique Caroline Sägesser, s’il n’y a pas encore norme genrée sur la gestion des cultes, “c’est parce que nous sommes dans un système qui respecte l’indépendance des cultes prévue dans la Constitution belge”.
C’est pourtant un enjeu majeur pour les femmes dans un milieu tel que celui de la religion. S’appliquant à un environnement très masculin, cette ordonnance pourrait poser problème en termes de recrutement de bénévoles disponibles.
Fausses excuses ou réalité du terrain ?
Les cultes ne seront pas impactés de la même manière par cette ordonnance. Si les femmes sont très présentes dans la religion protestante, ce n’est pas le cas dans les religions juive et catholique.
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de représentants de différentes religions.
Cette ordonnance est au tout début de son parcours. Selon Caroline Sägesser, “on peut s’attendre à certaines réticences une fois que le texte sera voté et que la réalité des choses s’imposera aux protagonistes”. Cependant, à l’instar de la religion protestante, des réticences ne sont pas à attendre de toutes les communautés.
Malheureusement, nous n’avons pas réussi à entrer en contact avec les représentants du culte musulman. Le président de l’Exécutif musulman belge (EMB), Mehmet Ütsün, a cependant exprimé son mécontentement dans la presse flamande. Il a déclaré au Standaard que l’EMB ne souhaitait plus percevoir les subsides de l’État : “Nous en avons marre de l’ingérence politique”. À voir si c’est l’obligation de la présence de femmes qui pousse l’EMB à se détacher du financement de l’État.
Quoi d’autre dans cette ordonnance?
Actuellement, tous les cultes à Bruxelles ne dépendent pas des mêmes niveaux de pouvoir. En effet, les religions plus anciennement reconnues par l’État belge sont financées par les communes. C’est le cas des religions catholique, protestante, anglicane et juive. En ce qui concerne les cultes plus récemment reconnus par l’État, à savoir les religions musulmane et orthodoxe, le financement est assuré par la Région de Bruxelles. Cette inégalité de traitement a poussé le Parlement bruxellois à unifier la situation. Dans ce projet d’ordonnance, tous les lieux de culte bruxellois reconnus seront financés par la Région.
Le financement
Aujourd’hui, l’État couvre sans limite le déficit des lieux de cultes. Par contre, avec cette réforme, un plafond serait fixé à 30% des dépenses du culte. Si certains établissements souhaitent s’associer, ce plafond pourrait monter à 40%. La solidarité deviendrait alors un facteur important.
Ainsi, le législateur souhaite pousser les cultes à l’autofinancement, à mieux gérer leurs dépenses, tout en limitant l’intervention de l’État.