Bientôt des agents FRONTEX en Belgique

Focus sur une loi qui divise

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Crédit photo : Edwin de Hertogh

Focus sur une loi qui divise

Crédit photo : Edwin de Hertogh

A l’aéroport de Zaventem, en attente de passer la douane, un ressortissant d’un pays non-européen est soudainement arrêté par des agents en tenue bleue foncée et béret bleu clair, accompagné d’un agent de la police belge. Est-ce une fiction ? Plus vraiment. Avec l’adoption de la loi Frontex, dans la nuit du 2 mai dernier, les agents européens pourront bientôt intervenir à l’appui des douaniers belges.

C’est quoi, cette loi Frontex ? 

La loi permet à l’Agence européenne de gestion des frontières extérieures (Frontex) de placer une centaine d’agents sur le territoire belge pour contrôler les flux migratoires. Ceux-ci ne seront autorisés à agir qu’avec la présence et l’accord de la police belge. Leur compétence se limite à réaliser des contrôles aux frontières dans les ports, les aéroports, la gare du Midi et le terminal Eurostar.

Les agents Frontex pourront également mettre en œuvre des expulsions forcées de personnes en situation irrégulière. “Les craintes de pushback ou de refoulement aux frontières sont injustifiées car de telles manœuvres ne pourront jamais avoir lieu dans notre pays.” rassure Annelies Verlinden (CD&V), la ministre qui a porté le projet de loi.

Bientôt un renforcement significatif de Frontex en Europe

Créée en 2004, Frontex, joue un rôle essentiel dans la gestion des frontières extérieures de l’Union européenne. De plus, elle collabore étroitement avec les États membres de l’UE et les pays associés à l’espace Schengen dans la lutte contre la criminalité transfrontalière. C’est d’ailleurs à cause de l’espace Schengen qui permet au libre circulation au sein des frontières de l’UE que ces frontières sont renforcées à l’extérieur.

Aujourd’hui, Frontex c’est plus d’un milliard de budget par an et 2.000 agents (chiffre devant grimper jusqu’à 10.000 agents d’ici 2027) au travers de toute l’Union Européenne, principalement en Italie, Espagne et Bulgarie – pour le moment.

Du flou et de la polémique

La nouvelle loi est vivement critiquée par les associations de défense des droits humains. Elles dénoncent notamment le paragraphe 5, jugé trop flou, qui pourrait potentiellement dispenser les agents de Frontex d’être accompagnés d’un agent de police pour effectuer les premières étapes d’une arrestation. La ministre Verlinden a balayé ces craintes dans sa réponse aux députés au parlement: “Frontex opérera toujours sous la direction de fonctionnaires de police belge, qui porteront la responsabilité finale du déploiement des agents européens. Il y aura donc toujours un collaborateur de police belge qui sera présent à côté des agents Frontex”.

« Il y aura donc toujours un collaborateur de police belge qui sera présent à côté des agents Frontex »

Annelies Verlinden (Ministre de l’Intérieur, CD&V)

Quoi qu’il en soit, le paragraphe controversé a finalement été adopté. Mais le manque de précision du texte inquiète les ONG aux vu des antécédents de Frontex, qui est accusée d’avoir violé les droits humains à de multiples reprises lors d’arrestations. Les associations craignent des récidives, d’autant plus qu’il est difficile qu’une plainte contre Frontex et ses agents aboutisse.

On a déjà un regard très critique envers l’agence elle-même, alors si elle opère en Belgique de façon permanente, ça nous pose un problème”, affirme Cécile Vanderstappen, chargée de recherche sur la migration au CNCD-11.11.11, la coupole des ONG belges. D’après elle, la solution à la crise migratoire ne passe pas par un renvoi facilité des migrants illégaux, mais, au contraire, une meilleure gestion des dossiers, ainsi que l’augmentation du budget (et donc des places) pour l’accueil.

La nouvelle loi “va criminaliser davantage les personnes en situation irrégulière, sans avoir de satisfaction au regard des objectifs de retourner ces personnes vers leur pays d’origine”, estime-t-elle. En effet, le renvoi des migrants pose problème puisqu’il faut que les pays d’origine acceptent de les réadmettre”.

Des failles dans la majorité

Malgré les dénonciations des ONG, la loi est pourtant bien passée après de longues heures de discussion à la Chambre des représentants par 68 voix contre 11. Quarante-quatre députés se sont abstenus, notamment dans les rangs de la majorité (Aouasti, Rigot, Hugon, Cornet, Moutquin, Cogolati).

La N-VA, favorable à la présence de Frontex, s’est abstenue parce qu’elle jugeait le texte trop doux, tandis que le Vlaams Belang était tout simplement absent! Le PTB, quant à lui, jugeait le texte insensé. « Accepter Frontex sur notre territoire c’est accepter délibérément de bafouer les droits des réfugiés. » a déclaré Nabil Boukili (PTB).

Les débats témoignent des forts clivages sur la question migratoire, jusqu’au sein de la majorité. La Vivaldi a une nouvelle fois tangué jusque tard dans la nuit à la chambre, sans tomber, alors même que les campagnes électorales de chaque parti battent leur plein.

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