A Namur, nager c'est compliqué

À Namur, une seule piscine pour 115 000 habitants, "c'est l'enfer !"

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Photo : Brieuc Deboeck et Marine Loute

À Namur, une seule piscine pour 115 000 habitants, « c’est l’enfer ! »

Photo : Brieuc Deboeck et Marine Loute

La piscine de Saint-Servais est la seule ouverte dans le Namurois, créant un problème pour les habitants. Dans une ville de la taille de Namur, l’accès à la natation devrait pourtant être une évidence. Ce manque d’infrastructure pourrait-il peser dans la balance à la veille des élections communales ? Comment en est-on arrivé là et quelles sont les conséquences pour les nageurs, les clubs et l’apprentissage des enfants ? Une solution à l’horizon ?

La piscine Louis Namèche, située dans le Nord-Ouest de Namur dans le quartier de Saint-Servais, est ouverte pour le grand public 7 jours sur 7 pour tenter de satisfaire le plus de monde possible en créant un maximum de créneaux. Le bâtiment, construit dans les années 70 puis rénové en 2017, abrite un bassin de 25 m x 15 m composé de 6 couloirs. Ce mercredi après-midi, enfants, adultes et clubs de natation s’y partagent la piscine. Quatre maîtres nageurs observent attentivement les nageurs, qui sont de plus en plus nombreux au fil des heures. Les couloirs se remplissent. Des groupes de jeunes arrivent, Amandine et Lily aussi.

Amandine, 34 ans, une habituée de la piscine, nous partage avec entrain son sentiment : « C’est l’enfer ! Quand il y a les enfants, les nageurs, les clubs plus la partie jeux, parfois on est 15 dans un couloir. J’y vais pour me relaxer et au bout d’un moment, je suis agacée. »

Étudiante en première année à l’Henallux, Lily est également une fidèle et doit adapter son horaire afin de trouver des créneaux plus calmes. « On m’a déjà remballée plusieurs fois parce qu’il n’y avait plus de couloirs de disponibles. Il faut vraiment trouver les bons créneaux. »

« On ne pratique plus la natation, on pratique en réalité les arts martiaux. Pour pouvoir nager c’est plus que pénible, c’est presque devenu mission impossible. » témoigne Emmanuel Depret, fervent militant pour une plus grande offre de piscines à Namur. Il a récolté 1.177 signatures pour une pétition demandant la réouverture de la piscine de Salzinnes. Il continue, « la priorité de la majorité en place n’est clairement pas le social ni l’enseignement aquatique. Le conseil communal s’est assis sur l’avis de 1.117 citoyens. »

La piscine Louis Nameche située à St-Servais est la seule encore en fonction dans la capitale de la Wallonie. @Brieuc Deboeck

Quid des autres piscines de Namur ?

La piscine de Jambes est en rénovation depuis plus d’un an et rouvrira ses portes dans le courant de l’année 2025. Le chantier de remise aux normes de la piscine prend plus de temps que prévu. Aucune mention de date précise n’a été communiquée. « Soyez patients ! » C’est le message de Charlotte Bazelaire (Les Engagés), échevine des Sports.

Concernant la piscine de Salzinnes, l’échevine est pleinement consciente du mécontentement qu’a provoqué sa fermeture définitive. Néanmoins, elle insiste sur la nécessité de la condamner pour des raisons financières. « Il fallait mettre énormément d’argent, ce que la ville n’avait pas. C’est une décision qui a été prise par la majorité et on l’assume mais l’optique était dès le départ une fermeture pour une réouverture. » Une décision critiquée par Marine Chenoy (PS), « C’est un choix politique. On aurait très bien pu débloquer les fonds à partir du moment où on fait des téléphériques, on achète des statues qui valent des milliers d’euros. »

Enfin, pour répondre à une demande toujours plus forte des citoyens d’avoir un bassin en plus dans le namurois, et parce que deux piscines ne suffisent pas, un nouveau projet est sur la table. Il a été annoncé par les Engagés : une nouvelle piscine sur le P + R à Bouge. La ville de Namur n’aurait pas les fonds pour mettre cette nouvelle infrastructure sur pied, et la majorité en place est à la recherche d’un partenaire privé, prêt à investir dans le projet. Mais ce dernier doit d’abord être validé et n’a pas encore de permis d’urbanisme. Quoi qu’il en soit, la piscine de Bouge ne verra pas le jour avant 2030, un timing jugé douteux par l’opposition. « L’annonce du projet à Bouge, arrive à un moment assez spécial puisque c’est juste avant la campagne communale », témoigne Marine Chenoy.

L’opposition espère qu’une attention sera portée à l’accessibilité pour les écoles : « il faut que les écoles puissent avoir un accès prioritaire pour l’apprentissage de la nage ».

En récapitulant, un chantier qui peine à se terminer à Jambes, une fermeture définitive du côté de Salzinnes, et un projet de piscine d’ici minimum 4 ans à Bouge.

La piscine de Saint-Servais est surchargée. @Brieuc Deboeck

Et en attendant la nouvelle piscine de Bouge ?

Afin de garantir des accès tout-public à la piscine, il est conseillé de venir le matin avant les écoles, le midi et sur la courte période après les écoles mais avant les clubs… des créneaux courts et souvent complets.

Pour les écoles et clubs de natation, Charlotte Bazelaire reconnaît que la réduction des heures de piscine a été compliquée. « On a dû mettre des priorités, des accès limités aux écoles avec certaines années et pas d’autres, les écoles devaient sélectionner des années pour venir alors que normalement c’est beaucoup plus ouvert. Pour les clubs, on a réduit leurs horaires de manière assez drastique pour certains. »

D’autres en viennent même à se déplacer en dehors de leur commune, comme Amandine : « je préfère faire les trajets de 30 minutes jusqu’à Andenne parce que c’est plus cool, plus calme, et plus propre. »

Un niveau de natation inquiétant

Quelles sont les conséquences de n’avoir qu’une seule piscine pour la capitale de la Wallonie ? Jérémy, éducateur physique à l’école Saint-Ursule dans le centre de Namur, est moniteur de natation depuis 15 ans. La solution pour lui: une piscine olympique de 32 couloirs. « Avec 3 piscines, c’était déjà compliqué. La situation s’aggrave aujourd’hui. Le niveau de natation se dégrade, je dois adapter mes cours en conséquence et la quantité de travail s’amoindrit. » Il poursuit : « Il y a trop de demandes par rapport à l’offre, la densité sur une seule piscine est énorme, parfois on doit se partager un couloir à 22.« 

Emmanuel Depret estime que les enfants ont trois ans de retard sur l’apprentissage de la natation. En tant que moniteur, il est proche de la réalité et voit le problème que cela pose. « J’ai dû m’occuper d’un enfant de 10 ans et le mettre en pataugeoire avec des enfants de 7 ans. » Pour lui, la situation est loin de s’améliorer, « lors du prochain mandat, il n’y aura aucune évolution (si la même majorité reste en place), il ne faut pas se leurrer. On va retrouver majoritairement, les Libéraux, les Engagés. La politique ne changera pas.« 

« Un problème de gestion »

Passer de trois à une piscine en si peu de temps, sans avoir de plan B, témoigne-t-il d’un défaut de prévision ? « Je pense qu’on aurait pu éviter de se retrouver dans une telle situation, c’est un problème de gestion », estime Marine Chenoy (PS). Du côté des Engagés, Charlotte Bazelaire, étant arrivée échevine à mi-mandat, était absente lors des premiers débats sur la gestion des piscines mais défend son prédécesseur et ne sait pas s’ils auraient pu mieux anticiper.

Cette désorganisation a mené, donc, à divers problèmes, visibles jusque dans les classes scolaires. Pour les écoles c’est devenu un enfer selon Jérémy. Il faut trouver des créneaux horaires à l’arrache et certaines options sont même privilégiées, certains élèves n’ont donc pas droit à des cours de natation. « Il y a de la discrimination » constate l’éducateur sportif.

Autant du côté des politiques que des citoyens, un constat s’impose : la situation actuelle n’est pas tenable à long terme. La pression sur les Engagés concernant la réouverture de Jambes pèse et le projet de Bouge reste incertain. « Bouge… » lance Jérémy avec un sourire, « mais quand ? »

Cet article a été co-publié avec L’Avenir.

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