Au coeur d’un second confinement aux conséquences dévastatrices pour de nombreux secteurs, l’immobilier bruxellois peine à trouver une stabilité.
Le 17 mars dernier, la Belgique de Sophie Wilmès se prépare à entrer dans un confinement généralisé jusqu’au 19 avril. Deux mois de confinement avec une possibilité de prolongation. Pendant les semaines qui suivent, la population se mure dans un isolement tout droit sorti d’un film de science-fiction post apocalyptique. Tous les commerces non essentiels doivent fermer leurs portes au public, les agences immobilières y compris. C’est le début d’une crise sans précédent en Belgique.
Après des semaines passées entre quatre murs, les Belges rêvent d’ailleurs : un chez soi plus grand, plus lumineux, plus vert. Lors du déconfinement, ils sont nombreux à se ruer sur les visites de biens. Le secteur immobilier serait-il épargné par la crise ? Voire en plein boom ?
Les réponses sont constrastées. Certains agents immobiliers affichent un discours très positif. « Après le premier déconfinement, l’effet de rattrapage des ventes s’est tout de suite ressenti » confie le fondateur de l’agence Macnash Associates, Patrick Menache : « Au moment du déconfinement, les visites ont pu reprendre et les offres sont tombées les unes à la suite des autres, à tel point qu’on a rattrapé toutes les ventes qu’on n’avait pas pu faire début 2020 et aujourd’hui on les a même dépassées ! On a même eu des surenchères pour certains biens ». C’est un fait inédit dans ce secteur.
L’explication est simple selon l’agent immobilier : « Les taux d’intérêts dans le cadre d’un prêt hypothécaire sont tombés très bas, mais surtout certains se sont enrichis pendant ce premier confinement et disposent désormais de montants importants sur leur compte en banque qu’ils souhaitent investir.«
Patrick Menache insiste : « C’est un moment vraiment idéal pour investir car on peut bénéficier d’un prêt immobilier à des taux incroyables et ça ne va pas durer. J’ai même rencontré une personne qui a acheté un bien immobilier et a obtenu un taux de remboursement de 0,89% sur 10 ans, c’est du jamais vu » s’exclame-t-il.
Les biens avec jardin très prisés
Autre conséquence du confinement, les biens avec jardins sont très recherchés. On constate une augmentation des prix de l’ordre de 8% par rapport à la même période l’an dernier. Conséquence d’une forte demande, l’offre s’ajuste, les prix pour ce type de bien augmentent donc de manière exponentielle
Mais la bonne santé du secteur immobilier est à relativiser. Pour les appartements, le volume de vente en 2020 après le déconfinement n’a toujours pas connu une forte reprise. Dans ce secteur, on constate une baisse des transactions immobilières de l’ordre de 6,2% à Bruxelles, 9% à Paris, 6% à Madrid.
Les notaires relativisent aussi la reprise. « Le confinement a entrainé la suspension des signatures d’acte de vente et la plupart des actes qui ont été signés par la suite n’étaient que la conséquence des accords qui avaient été créées durant le mois de mars et d’avril » affirme Jean Martroye De Joly, notaire à Forest et membre de la FEDNOT.
Le premier confinement a entrainé toute une série de facteurs auxquels les professionnels du secteur ont dû se confronter. Du côté des agences, la réduction du nombre de visites de biens sur place a imposé la mise en place de visites en ligne, via des plateformes spécialisées comme Zoom. Du côté des notaires, on a vu se généraliser l’installation de panneau de Plexiglas dans les études, de même que les signatures de compromis et d’actes de vente à distance, via des logiciels adaptés. Autant de mesures qui « ont rarement profité aux acquéreurs« , qui seraient plus hésitants, selon Patrick Menache, fondateur de l’agence Macnash Associates. « Malgré tout, les adaptations face à ces nouvelles mesures n’ont pas été insurmontables à gérer. La stratégie d’équipement mis en place par nos soins d’un point de vue technologique nous a facilité la tâche« .
Un impact sur les foyers modestes
Il est probable que les investisseurs bénéficiant de liquidités importantes seront moins impactés par la crise et vont continuer à investir dans l’immobilier à Bruxelles. Quant aux foyers les plus modestes, ils se font prudents. La crise a affaibli leur pouvoir d’achat mais certainement aussi, l’argent qu’ils ont placé en banque ne leur a pas permis de s’enrichir. Aujourd’hui, ils attendent de retrouver un certain équilibre sur le marché afin de pouvoir penser à investir. A noter aussi qu’en réponse à la crise sanitaire un certain nombre de mesures ont été prises par le gouvernement : les différentes entités en Belgique ont mis en place des avantages financiers afin de faire face à la violence causée par cette dernière, notamment la suspension de crédits afin de limiter les ravages de ce séisme économique qui a entrainé une perte d’emplois massive.
Notons par ailleurs que les banques sont de plus en plus réticentes à prêter de l’argent aux particuliers ne disposant pas d’un capital de 20% du prix total du bien (frais compris). Ceci représente un véritable défi pour les jeunes en quête d’un premier bien immobilier.
La brique à Bruxelles reste une valeur sûre
Le notaire Jean Martroye De Joly reste rassurant quant à la plus value sur l’investissement que représente la ville de Bruxelles : « Bruxelles reste une valeur sure dans l’immobilier et il ne faut pas hésiter si l’on souhaite investir. ». Contrairement à d’autres villes en Europe comme Paris, Londres, Rome ou encore Madrid, « Bruxelles n’a pas encore connu de grand choc de l’immobilier » note Jean Martroye De Joly. « Il faut débourser en moyenne 274 000 euros pour un appartement à Bruxelles tout type de bien confondus », ce qui revient à une moyenne de 3.318 € le m2 étalée sur les dix-neuf communes. C’est nettement moins que dans d’autres capitales européennes : Londres qui affiche un prix au m2 à en faire pâlir plus d’un (13.919€), Paris (11.380€) ou encore Madrid à la baisse (5.371€).
Autre paramètre important pour la ville de Bruxelles, si l’on se réfère aux chiffres du premier semestre de l’année 2020 publiés par STATBEL, l’office belge des statistiques, on note principalement une forte hausse en ce qui concerne les appartements : leur prix de vente à augmenté de 9 % par rapport à la même période l’an dernier, une augmentation dix fois plus importante que les maisons de type ouvertes – soit des maisons disposant d’un jardin et sans voisins directs – (+0,9%) et presque deux fois plus que les maisons de type fermé – Maison fermée des deux côtés à proximité directe des voisins – (+5,5%).
Pour le notaire, « c’est une hausse qui continue d’avoir lieu comme depuis quelques années déjà ». En effet, Bruxelles est la région qui connait la plus forte hausse des prix en Belgique. Preuve à l’appui, les maisons de type demi fermé ou fermé coutaient 421.000 euros au premier semestre de l’année 2020 alors qu’elles coutaient 362.250 euros à la même période deux ans plus tôt. La commune la plus chère à Bruxelles reste Ixelles ou le prix médian pour l’achat d’une maison de type demi-fermé, fermé ou ouvert a atteint la somme de 720.000 euros. La commune la moins chère est Anderlecht avec un prix médian frôlant les 300.000 euros pour une maison du même type.
Un futur incertain
Et à quoi faut-il s’attendre dans les mois à venir ? « Ce qui n’est pas impossible, c’est de s’attendre à voir arriver une affluence de biens immobiliers sur le marché dans les six mois à venir », estime Patrick Menache. 72% des belges sont propriétaires. Le belge est en général propriétaire de deux biens : un bien qui lui appartient et un autre – généralement de petite taille type studio ou F1 – logement comprenant une pièce principale, une cuisine et une salle de bain – qu’il met généralement en location. Les retombées de la crise sanitaire pourraient inviter de nombreux belges à vendre leur second bien. Ceci aura pour conséquence de l’appauvrir. Et si l’offre augmente, cela aurait pour conséquence de ralentir la flambée des prix sur les appartements.
Étant donné le contexte sanitaire complexe lié à la crise, les professionnels de ce secteur ont toutefois du mal à se projeter. Le marché est instable et l’impact réel de la crise pourra être mieux cerné au fil des cinq prochaines années.
Gary Trajman et Marigona Ljatifi