Body positivisme, un mouvement faussement incluant ?

La définition du mouvement encourage l’acceptation de tous les corps. Mais son côté incluant est aujourd’hui remis en question.

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Photos : Kilien Natens pour Chair Chaude (CC BY NC ND)

La définition du mouvement encourage l’acceptation de tous les corps. Mais son côté incluant est aujourd’hui remis en question.

Photos : Kilien Natens pour Chair Chaude (CC BY NC ND)

Ces dernières années, le body positive rencontre un nouvel élan grâce aux réseaux sociaux. Ce que l’on sait peut-être moins, c’est que cette démarche existe depuis plus de 50 ans. En 1967, l’auteur américain Llewellyn Louderback publie un article dans The Saturday Evening Post intitulé « More People Should be Fat! » (NDLR : plus de personnes devraient être grosses). Un essai dans lequel Louderback expose le quotidien que sa femme endure en tant que personne grosse dans la société américaine.

Cet article touche particulièrement Bill Fabrey, un américain dont l’épouse éprouve aussi des difficultés à cause de ses rondeurs. À la suite d’une rencontre avec Louderback, il fonde deux ans plus tard la National Association to Advance Fat Acceptance (NAAFA) et fait de la lutte contre la discrimination des personnes en surpoids son corps de combat.

"More People Should be Fat", un article de Llewellyn Louderback publié en 1967 dans The Saturday Evening Post.
« More People Should be Fat », un article de Llewellyn Louderback publié en 1967 dans The Saturday Evening Post.

Ce n’est qu’en 1996 qu’allait être créée la première communauté dédiée au body positive. Adolescente, Connie Sobczak enchaîne les régimes et devient boulimique. Sa soeur, atteinte de troubles alimentaires pendant sa jeunesse, décède à l’âge de 36 ans. Peu après cet évènement bouleversant, Connie rencontre Elizabeth Scott, éducatrice spécialisée dans le traitement des troubles de l’alimentation chez les jeunes. À deux, elles décident de fonder l’association The Body Positive afin d’aider les gens à accepter leur corps, mais également pour réduire les conséquences malheureuses qu’une mauvaise image de soi peut impliquer : troubles alimentaires, dépression, anxiété ou pire, suicide.

L’association s’est aujourd’hui constituée en institut et forme des éducateurs aux « cinq compétences du modèle Be Body Positive« , dont les piliers centraux sont « déclarer sa beauté authentique », « pratiquer l’auto-soin intuitif » ou encore « cultiver l’amour de soi ». Des programmes éducatifs destinés à être enseignés aux adolescents et aux jeunes adultes, particulièrement concernés par l’image corporelle.

D’un mouvement politique à un outil marketing

Des voix s’élèvent pour dénoncer le fait que le body positive, un mouvement politique, serait aujourd’hui déformé. Dans une interview accordée à RTL, le collectif Gras Politique, une association française qui lutte contre la grossophobie, explique que le mouvement a été créé « par des femmes grosses et racisées », se sentant invisibles, mal considérées et sous-représentées dans la société américaine.

Mais l’été dernier, de nombreuses Instagrammeuses utilisent le hashtag #bodypositive en se présentant comme ambassadrices du mouvement sur leurs réseaux. Des femmes plutôt minces et blanches, considérées comme « dans la norme ». Leurs publications engrangent alors un flot de commentaires négatifs. Le collectif Gras Politique estime que ces morphologies n’ont pas besoin d’être célébrées car la société les met déjà assez en avant.

Body positive, pas pour les minces ?

Mannequin grande taille et coach de catwalk, Vannah Malila est la fondatrice de CURVE, le premier mouvement body positiviste en Belgique. Au contraire du collectif Gras Politique, Vannah insiste sur le fait que « le body positive concerne tout le monde ». Une personne mince peut également avoir des complexes, un rapport au corps distordu. Mais le message de la mannequin taille 48 va bien au-delà du simple fait d’accepter ses rondeurs.

Les hommes, trop virils pour être complexés

D’après Vannah Malila, « les hommes ont énormément de mal à assumer leurs complexes. Ils disent qu’ils s’en foutent, qu’ils ont d’autres choses à faire que de s’inquiéter de leurs corps, mais on sait bien que c’est faux ». Alors pourquoi la gent masculine est-elle beaucoup moins représentée que les femmes au sein du mouvement body positiviste ?

Discussion(s):

2 réponses à “Body positivisme, un mouvement faussement incluant ?”

  1. […] Un article sur le body positivisme témoigne de ce tabou « Les hommes ont énormément de mal à assumer leurs complexes. Ils disent qu’ils s’en foutent, qu’ils ont d’autres choses à faire que de s’inquiéter de leurs corps, mais on sait bien que c’est faux ». Mais le complexe n’est pas compatible avec l’injonction sociale d’un homme fort, physiquement et mentalement. Il ne reste donc qu’à apprendre le silence. […]

  2. […] Un article sur le body positivisme témoigne de ce tabou « les hommes ont énormément de mal à assumer leurs complexes. Ils disent qu’ils s’en foutent, qu’ils ont d’autres choses à faire que de s’inquiéter de leurs corps, mais on sait bien que c’est faux ». Mais le complexe n’est pas compatible avec l’injonction sociale d’un homme fort, physiquement et mentalement. Il ne reste donc qu’à apprendre le silence. […]

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